


L'evolution de la garde a vue et son impact en matiere d'alcool au volant

La réforme de la Garde à vue est le fruit d’une longue mutation et d’une bataille acharnée de la part des avocats afin que la France mette, enfin, en accord, son droit avec les principes dégagés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Acharnée car pendant bien longtemps, au mépris total des principes du droit européen, le Gouvernement affirmait qu’il n’était pas tenu par les décisions de cette juridiction.
Ainsi, par plusieurs arrêts de principe (SALDUZ c/Turquie et DAYANAN c/Turquie), la Cour avait rappelé avec force que :
« L’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ».
La France avait, par ailleurs, le 14 octobre 2010 (BRUSCO c/France) été condamnée par la Haute Cour Européenne.
Cependant, le Gouvernement restait attentiste, jusqu’à ce que le Conseil Constitutionnel, le 30 juillet 2010 constate l’inconstitutionnalité de la « Garde à vue à la Française » et somme celui-ci d’en assurer la réforme avant le 1er juillet 2011.
La Cour de cassation en prenait note et, par un arrêt de principe, le 15 avril 2011 prenait tout le monde de court en jugeant que :
« Attendu que les États adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ; que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ;… »
Le Gouvernement ne pouvait rester sans réagir et, le même jour, promulguait en urgence une loi dont les grandes lignes sont les suivantes :
Le droit à l’assistance d’un avocat tout au long de la garde à vue :
Tout d’abord, le fameux entretien de 30 minutes auquel avait droit tout mis en cause (c’est à dire toute personne faisant l’objet d’une mesure de garde à vue) vole en éclat et est remplacé par une assistance tout au long de la garde à vue.
La limitation des cas de placement en garde en vue
Ensuite, seuls les délits passibles de prison sont susceptibles d’être concernés (donc, pas les contreventions) par une garde à vue dont la prolongation ne pourra être ordonnée qu’en cas de peines supérieures à un an.
La notification du droit au silence :
La notification du droit au silence, dont dispose la personne gardée à vue, est rétablie alors qu’elle avait été supprimée (c'est-à-dire que vous aviez TOUJOURS le droit de vous taire, mais que le policier n’avait plus l’obligation de vous le faire remarquer).
Il peut y avoir des dérogations à ces principes et la présence de l’avocat peut être retardée (24 heures en matière de crime organisé et 72 heures en matière de terrorisme).
Cette loi devait entrer en vigueur en juillet 2011 mais la Cour de Cassation a rappelé qu’il était fondamental que les dispositions fondamentales afférentes à la présence de l’avocat et du droit au silence s’appliquent de façon immédiate. De ce fait, celles-ci s’appliquent à compter du 15 avril 2011.
Bien sûr, cette réforme fondamentale en est encore à ses débuts et les avocats (et les policiers) doivent prendre leurs marques. Il est cependant indéniable qu’il s’agit là d’une évolution remarquable et que tout manquement aux principes dégagés par celle-ci est susceptible de faire tomber la garde à vue.
En théorie, cela profite à tous, mais qu’en est-il en réalité ?
Prenons un cas TRES pratique.
Au sortir d’une soirée en boite de nuit, des membres des forces de l’ordre vous intiment l’ordre de stopper au bord de la route. Ne voulant pas être poursuivis pour délit de fuite, vous obtempérez.
Dépistage ? : Positif. (Ça commence mal.)
Attente de 30 minutes (c’est long)
Ethylomètre ? : Positif.
Notification du premier taux (c’est une obligation)
Vérification de l’appareil (c’est EGALEMENT une obligation)
Deuxième souffle.
Notification du deuxième taux (ENCORE une obligation)
Garde à vue avec notification des droits différée si vous n’êtes pas en mesure de les comprendre.
Nuit en cellule de dégrisement.
Notification des droits et auditions.
Or, si jamais la garde à vue venait à être annulée, car vous n’avez pas eu droit à un avocat tout au long de celle-ci, cela n’empêcherait pas le Tribunal de vous condamner tout de même.
En effet, la Cour de cassation limite rigoureusement les effets des nullités aux actes nuls et à ceux dont les actes nuls sont le support nécessaire. C'est à dire les auditions et confrontations du gardé à vue et les vérifications directement provoquées par ces auditions.
Tout le processus antérieur ne sera pas affecté par une éventuelle nullité de celle-ci.
Or, le dépistage et l’éthylomètre sont antérieurs.
Le Tribunal pourra donc être saisi et vous serez légalement cité à comparaitre.
Donc, votre conseil n’a pas grand intérêt à tenter de faire annuler la garde à vue et doit, au contraire, tout faire pour faire sauter le contrôle dont vous avez fait l’objet. D’où la nécessité de faire appel à un avocat spécialisé, qui mettra sa compétence à votre service.