
Les suites données à une plainte

Quelles suites ?
Lorsque vous déposez une plainte, plusieurs suites sont à envisager. Les services de police ou la gendarmerie informent “sans délai” le procureur de la République, conformément au second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale : Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Après réception directe de la plainte ou via les services de police et de gendarmerie, et étude du dépôt de plainte, le procureur de la République, conformément à l’article 40-1 du code de procédure pénale peut décider :
1° Soit d'engager des poursuites ;
2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1, 41-1-2 ou 41-2 ;
3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.
Dans le cas d’un engagement de poursuites, la saisine d’un juge d’instruction est obligatoire en matière criminelle, envisageable en matière délictuelle et inexistante en matière contraventionnelle. Le juge d’instruction, s’il est saisi, sera chargé de mener une enquête et rendra, à la fin de son instruction une ordonnance de mise en accusation s’il s’agit d’une affaire criminelle, une ordonnance de non-lieu, c’est-à-dire que les poursuites sont abandonnées et que la personne à l’encontre de laquelle vous avez déposé une plainte est considérée comme innocente, ou une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
La différence avec la main courante
Une distinction importante est à établir avec la main courante : dans ce cas aucune poursuite n’est engagée. La main courante est un acte par lequel vous dénoncez un fait qui n’est pas nécessairement une infraction. Il s’agit de laisser une trace officielle qui sera recevable en vu de toute procédure judiciaire ultérieure. L’exemple le plus courant est, par exemple, le départ du domicile de l’un des époux : si les intéressés entrent en instance de divorce, la main courante pourra être jointe au dossier.
De plus, l’auteur des faits relatés dans votre main courante ne sera pas informé de l’établissement de cet acte à moins que vous ne l’en informiez.
Cependant, il convient de souligner que si les gendarmes ou officiers de police constatent que les faits décrits dans la main courante constituent une infraction, ils pourront saisir le procureur de la République qui décidera de la suite donnée au dossier. Ce en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale sus-cité. Dans ce cas, l’auteur des faits décrits dans la main courante sera informé des démarches effectuées le concernant.
La plainte simple
La plainte simple constitue l’acte par lequel une personne informe les autorités judiciaires de la commission d’une infraction. Après le dépôt d’une plainte simple, vous pourrez vous constituer partie civile à n’importe quel moment de la procédure jusqu’à l’audience. Cependant, si des poursuites sont engagées et donnent lieu à un procès, vous aurez jusqu’au dit procès pour vous constituer partie civile et demander réparation de votre préjudice.
Si dans les trois mois suivant votre dépôt de plainte, aucune notification ne vous a été faite concernant les suites données à votre dossier ou il vous a été notifié que votre plainte était classée sans suite, vous pouvez exercer une voie de recours : la citation directe. Il s’agit d’une procédure accélérée qui consiste à directement saisir le tribunal compétent.
La citation directe ne peut être utilisée par une victime que pour une contravention (violences légères, etc) ou un délit (vol -de véhicule par exemple-, violences graves, etc). Ce, parce qu’aucune enquête ne sera faite et que l’instruction est obligatoire en matière criminelle.
Attention tout de même, la citation directe implique que vous devez rassembler un certain nombre d’éléments avant l’audience :
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l'identité de l'auteur des faits
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des éléments suffisants prouvant la culpabilité de l'auteur sans avoir besoin d'une enquête complémentaire (photos, témoignages, captures d'écran...)
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des éléments prouvant l'étendue du préjudice que vous subissez (facture, certificats médicaux...).
L’absence d’enquête menée par les services de police vous incombe de rassembler les pièces nécessaires à l’établissement de la culpabilité de l’auteur auquel vous reprochez les faits. Vous devez également rédiger la citation directe qui doit comporter :
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l'état civil complet de la victime et son adresse postale; vous pouvez cependant élire domicile chez votre avocat afin d’éviter que votre adresse postale personnelle figure au dossier.
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une qualification juridique des faits et le détail des évènements
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l'identité de la personne poursuivie et, si c'est une personne morale, son siège.
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le type de préjudice subi (moral, matériel, corporel) ainsi que les pièces établissant l’ampleur dudit préjudice.
Une fois la citation entièrement rédigée, il est impératif de convenir d’une date d’audience avec l’officier du ministère public rattaché au tribunal du lieu de l’infraction ou du lieu de domicile de la personne que vous poursuivez. Vous devrez ensuite engager un huissier de justice, dont les honoraires seront à votre charge, pour qu’il signifie la citation avec le lieu, la date et l’heure de l’audience à la personne que vous poursuivez au moins dix jours avant l’audience.
Attention tout de même à ne pas abuser de cette procédure : si vous êtes victime et que vous êtes l’auteur de la citation directe, à moins que vous ne bénéficiez de l’aide juridictionnelle, une consignation vous sera demandée. Ce, afin de garantir le paiement d’une amende civile qui pourra être prononcée à votre encontre si la personne visée par la citation directe est déclarée non coupable et que vous êtes poursuivi pour procédure abusive. Le montant de cette consignation, fixé par le tribunal saisi, varie selon les accusations portées et les revenus de l’auteur de la citation directe. En revanche, si vous gagnez votre procès, c’est-à-dire que les juges vous donnent raison et condamnent la personne que vous avez faite citer devant le tribunal.
Il vous est fortement recommandé de saisir un avocat pour vous accompagner dans vos démarches pour une citation directe afin d’éviter de minimiser les risques de paiement d’une amende civile.
Toujours dans le cas d’un classement sans suite, il est possible de déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile directement auprès du juge d’instruction de votre circonscription conformément à l’article 85 du Code de procédure pénale.
La plainte avec constitution de partie civile (devant le juge d’instruction)
Ce type de plainte s’effectue, conformément à l’article 85 du code de procédure pénale, directement auprès du juge d’instruction. Cependant, le dépôt de plainte avec constitution de partie civile s’effectue à certaines conditions fixées à l’article 85 du code de procédure pénale : «Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire ».
Si le procureur de la République n’a pas notifié à l’auteur de la plainte dans un délais de trois mois ou a classé la plainte simple sans suite, vous pouvez saisir le juge d’instruction pour une plainte avec constitution de partie civile. Pour ce faire, vous devez apporter la preuve de l’absence de réponse du procureur de la République ou du classement sans suite qui a été rendu.
Pour la rédaction de ce courrier, il vous est fortement conseillé de saisir un avocat : cette plainte doit être précise, détaillée et les faits dénoncés doivent obligatoirement être juridiquement qualifiés.
Attention ici encore les abus sont sanctionnés par l’article 177-2 du code de procédure pénale :« Lorsqu’il rend une ordonnance de non-lieu à l’issue d’une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge d’instruction peut, sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, s’il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, prononcer contre la partie civile une amende civile dont le montant ne peut excéder 15 000 euros. (...) Cette décision peut être frappée d’appel par la partie civile(...) ».
Le retrait de plainte : quels effets ?
Le retrait de la plainte peut s’effectuer à tout moment de la procédure, avant le procès s’il y en a un bien évidemment.
Le retrait s’effectue auprès des mêmes autorités compétentes pour recevoir le dépôt de plainte : gendarmerie, commissariat de police et procureur de la République.
Néanmoins, le retrait de la plainte n’entraîne pas automatiquement la fin des poursuites si le procureur de la République en a engagées.
Le procureur de la République peut cependant être amené à cesser toute poursuite si le retrait de plainte fait suite à une médiation pénale fructueuse ou si l’infraction est une injure ou une diffamation.
Matthieu LESAGE, Avocat
Margaux DESSIMOND-MANIVIT, Juriste